J'étais sorti du palais, indemne. Enfin, pas plus amochée que je l'étais déjà. Ma lèvre inférieure me faisait souffrir et je sentais une plaie coaguler, tandis qu'un hématome se formait sur la pommette de ma joue droite. Ma tête était encore douloureuse, mais au moins j'étais en vie. Pour combien de temps, je ne savais pas, mais j'étais persuadée que le hommes d'Hadrian avaient vu mon visage et me croyaient complice de ce bain de sang. Je ne pouvais pas quitter la ville, les contrôle d'identité étant encore trop dangereux. Alors je devrai patienter dans l'auberge, jusqu'à ce que les événements se tassent. Au fur et à mesure que le temps passait, je regrettais d'avoir accepté cette mission. Je ne comprenais toujours pas pourquoi Nessa m'avait mit dans cette affaire qui ne me concernait absolument pas. Slorak était en vie, c'était une bonne chose, mais il avait subitement décidé de rejoindre Hecara. Donc, il était vivant, et qu'est-ce que je devais faire à présent ? La colère s'empara de moi, en plus de l'angoisse que les gardes me retrouvent. L'homme que j'avais connu n'était plus le même, et je ne savais pas à quoi je pouvais désormais m'attendre. Sûrement parce qu'en dix ans, nous nous connaissions tout simplement pas. Il était omnibulé dans son monde, et à croire que parcourir tout un royaume ne l'affectait pas. Et puis, il y avait cette femme à ses côtés... J'éclatais de rire silencieusement et me fis mal à la lèvre en tentant de sourire. Je n'avais pas de place dans mon coeur pour de la jalousie. Il fallait alors que je me remette en question concernant mes sentiments, quitte à abandonner celui qui m'était cher.

Je parcourais les rue d'Elbereth rapidement, voulant regagner l'auberge le plus vite possible sans me faire repérer. Lors d'un croisement, je ne fis pas attention et bousculais quelqu'un. Je ne devais pas me retourner, mais une voix au fond de moi me dictait de le faire. Et je reconnue cette petite silhouette. Un nouveau sourire naquit sur mon visage, empêchant la plaie de cicatriser: « Elvira, suis-moi. » Je ne lui donnais pas le choix de me suivre, mais j'étais tout simplement heureuse d'avoir retrouvé la fillette. Je pense surtout que sa présence me rassurait.

Je l'a conduisit dans une rue voisine à l'auberge, et passait sous un porche qui menait dans une petite cour. J'entrepris l'escalade du mur grâce à du lierre qui poussait là, et encourageais Elvira de me suivre. Une fois sur les toits, j'accélérai le pas afin que les gardes, aussi sur les toits, ne nous voient pas. Nous descendîmes dans un pan de oit et je montrais à la fillette un balcon en contre-bas. Silencieusement, je lui fis comprendre que nous devions descendre. Je m'agrippais au bord du toit et basculais dans le vide pour atterrir sur mes jambes. La hauteur n'était pas grande, mais je ne pouvais m'empêcher de me soucier d'Elvira.

Une grande fenêtre servait de porte qui reliait ce balcon à la chambre. Un homme vint nous ouvrir, et une fois à l'intérieur de la pièce, il ferma les volets, puis la fenêtre. La chambre était assez spacieuse, avec un grand lit et deux fauteuils, ainsi qu'une commode sur laquelle se trouvait une bassine en verre avec de l'eau fraîche. Le plus était une cheminée en pierre où un feu crépitait lentement. Une autre personne se trouvait dans la pièce, et n'était autre que Kaveh. Mon coeur s'emplit de joie lorsque je le vis vivant. « Eh bien, Enora, on dirait que je m'en sors mieux que toi. » Je soupirais avec un léger sourire. Je devais d'abord procéder aux présentations: « Elvira, voici Kaveh, que tu as déjà croisé et Jamsheed, un de mes hommes. Kaveh, Jamsheed, voici Elvira qui m'a apporté beaucoup d'aide. » Ils lui firent un signe de tête pour lui souhaiter la bienvenue.

Je regardais Elvira et lui apporta quelques précisions : « La chambre est au nom d'un riche marchand, rôle de Jamsheed. Nous devons passer par l'extérieur pour ne pas être repéré. Fais comme chez toi, si tu veux te reposer, vas-y et si tu as faim, il y a à manger sur la table. » Je lui indiquais la table recouverte de victuailles qui se trouvait au milieu de la pièce. Nous avions besoin d'un peu de repos avant que je leur conte mes retrouvailles avec le Loup Noir d'Hecara.

Elvira décida de manger, puis de dormir un peu. Je l'enviais, mais j'avais l'estomac noué et j'étais persuadée que je ne pouvais pas trouver le sommeil. Pas après une nuit comme il venait de se passer. Kaveh insista pour me nettoyer mes plaies, et je savais que je ne pouvais pas dire non. Assise sur une chaise, je le regardais préparer du cerfeuil qui mâchouilla pour ensuite le déposer sur la plaie de ma lèvre. Je grimaçais de douleur, mais cela me fit rapidement du bien. Son regard était concentré, mais je savais qu'il pensait beaucoup, et sûrement pas en bien. Je n'osais pas lui poser de question, sachant pertinemment que la conversation serait dirigé vers mes sentiments et la difficulté de la mission. Une fois qu'il eut terminé de désinfecter mes plaie, je répondis à ses pensées : « Ne te fatigues pas, la mission est terminée. » Kaveh ne cacha pas sa surprise, et Jamsheed s'approcha de nous en arquant un sourcil. J'appuyais ma déclaration : « Slorak est en vie, donc la mission est terminée. » Les deux hommes n'osaient pas parler. Ils me regardaient silencieusement, observant mon visage. Mon intuition me disait qu'il y avait autre chose qui se cachait derrière leur mutisme. J'arquais à mon tour un sourcil, mais avant que j'ouvre la bouche pour parler, Kaveh prit la parole : « Tu ne devais pas faire en sorte qu'il reste en vie ? » Je le regardais, incrédule avant d'éclater de rire. Je repris naturellement mon sérieux afin de lui répondre. « Il n'a absolument pas besoin de moi, et je ne vois toujours pas ce que nous faisons sur cette mission. » Je marquais une courte pause pour reprendre : « Il a tué le roi et est en route pour Hecara. » Personne ne répliqua ou montra la moindre émotion. Le silence fut respecté.

Je me levais pour me diriger vers la cheminée. Le feu qui crépitait avait cet aspect reposant que je pouvais admirer durant de long instants. Mes pensées obstruaient mon esprit, et je méditais sur les derniers événements, suivit d'un long soupir. Je voulais rentrer à Shahnaz et oublier ce que j'avais vécu ici. Il était temps que j'admette que cette mission n'était pas pour moi et qu'elle ne me regardait absolument pas. Kaveh s'approcha de moi, et attendit un peu avant de parler. J'étais persuadée qu'il avait quelque chose à me dire, et j'avais raison. « Il y a eu un nouvel ordre de mission. » Il me tendit un parchemin soigneusement roulé sur lequel était apposé le sceau de Oilossë. Je soupirais, mais le prit et le déplia. Quelques mots étaient écrits avec de l'encre noir. « Assassiner la reine Jenifael. » Je relisais une fois, puis une seconde fois et je ne sais combien encore. Ces mots résonnaient dans mon esprit sans arriver à trouver leur sens. Ou alors c'était une plaisanterie de mauvais gout. Je tournais la tête vers Kaveh qui me regardait d'un air sombre, et des plus sérieux. Soit je ne croyais pas à cet ordre de mission, soit je ne voulais pas y croire. Surveiller quelqu'un pour qu'il reste en vie était quelque chose, surtout s'il s'agissait de Slorak, mais tuer le reine en était une autre. Je n'avais aucune raison de le faire et ne comprenais pas ce que Nessa reprochait à cette elfe. N'était-ce pas sa protégée ? « La sorcière n'a pas donné cet ordre pour rien. Tu devrais essayer d'en savoir davantage avant de refuser. » Je ne répondis pas, essayant de démêler ces informations. Je m'accroupis et plongea le papier dans les flammes pour le regarder se consumer. La tournure des événements ne me disait rien qui vaille et je sentais plutôt la condamnation à mort me surveiller que mon retour chez moi.

Je me relevais et m'approchais du lit où dormait paisiblement. Je m'assis dans un fauteuil près du lit et observais la fillette. Il y avait quelque chose en moi qui me poussait à la prendre sous mon aile, pour lui apprendre l'art des Hashishiyyin. C'était peut-être parce que je me voyais en elle, et que j'avais quelque chose à me faire pardonner. Quelque chose que je n'arrivais pas à expliquer.
Ce fut en continuant à prendre soin d'elle, en l'observant que je sombrais dans un sommeil sans rêves.