La pluie avait commencé à tomber du ciel quelques heures après que Merik se soit séparé de la vampire, et sous cette eau tiède, l’animorphe devait s’attaquer à la traversée pleines de dangers des Montagnes d’Elwen. Il savait que Nymphea irait plus vite que lui, la distance serait vite abattue par la femme immortelle dont la vélocité égalait sa soif de sang… Aussi, l’homme choisit de ne passer qu’en terrain connu, son odorat et son ouïe pour compagnes, il connaissait son chemin. Le loup noir courrait donc, traversant la forêt en son cœur, les branches basses cisaillant son pelage de pleins fouets, les gouttes de pluie faisant luire son pelage sombre encore un peu plus, le collant à ses flancs. Sa langue pendante, le sons de sa respiration animale a ses oreilles, la nuit protégeait sa course et les billes océane de ses yeux ouvraient les taillis devant lui, complaisants.

Il songea à ce Slorak, que les gens nommaient « Le loup noir d’Hécara » et naïvement, Merik se demanda s’il était vraiment loup… La meute, la loi de la force, les faibles égorgés, la chasse et le gout du sang étaient -ils vraiment les concepts de ce personnage inconnu ? Peut être s’agissait-il d’un Ancien ? Qui était-il ? A quoi ressemblait-il ? Le visage d’un Ancien se démarquait par d’épais traits de sagesse, de puissance et chacun le respectaient par crainte de son courroux, par crainte de son jugement décisif et radical et parce qu‘il établissait la paix et la prospérité. L'Ancien aimait l’équilibre, son trône et sa femelle, unique mais il était sévère, parfois cruel, s’en servant sans hésitation pour renforcer la solidité des pieds de la communauté.

L’aube pointait ses reflet de sang lorsque l’homme-animal arriva aux pieds des montagnes, dressant leurs pics pointus avec fierté, comme pour piquer le ciel de leurs flèches tâchées de neige, affutées comme des lames. Le grand loup noir stoppa sa course un instant, se laissant le temps de souffler, ne pouvant s’empêcher de songer à cette chute dans ces même roches qui lui avait taillé le flanc il y avait bien des années. Prudent, il scruta l’à-pic sombre s’interposant devant lui, les oreilles frémissantes sous le grondement qu’il sentait grimper de son centre, dans la cuvette ou la ville sombre avait apposée ses fondations. Et lentement, les sens ouverts, il s’engagea au cœur de la souveraineté des montagnes, le ciel sanglant au dessus de lui éclairant son poil trempé.

Les cailloux dérangeants rendaient ses coussinets douloureux, et la dureté du terrain, la pente abrupte, lui semblaient hostiles. Dans ce paysage vêtu de gris, les reflets sanglants ayant vite été remplacés par un ciel couleur de plomb, le loup avançait patiemment. Les montagnes dégageaient un épais souffle glacé même en plein été, les neiges éternelles semblaient en être la source et Merik, le poil collé contre lui se mit à grelotter faiblement. Parfois, la roche raisonnait, un grondement sourd et allant crescendo trahissait un éboulis de pierres, comme un avertissement. Le loup épousait la flanc froid de la montagne, décidé, puisant sa force dans la certitude que son objectif approchait.

Et en effet, à flanc de montagne, sous une plateforme rocheuse, l’animorphe distingua en contrebas la ville d’Hecara, bordant ce lac aux eaux abyssales, Nargùlfr. Un faible jappement, presque croassant sortis de sa gorge et il entrepris sa descente avec douceur, respirant déjà les effluves de sang que Nymphea lui avait laissé.